Durant notre périple de Namur à Assise, nous avons constitué notre abécédaire du pèlerin. L’abécédaire du vécu du pèlerin, ce sont des mots qui viennent régulièrement dans la tête ou dans les conversations lors du périple. Ces mots deviennent des ritournelles, des mots clés auxquels, on se réfère très souvent en marchant ou le soir au débriefing.
Pour le A.
Accueil
- Image de l’hôtesse qui nous invite à sa table parce que tous les restaurants du coin sont fermés le dimanche soir.
Amitié
- Comme de bons vieux copains qui font 1500 kms allez et retour en voiture pour venir marcher un jour avec nous.
Ampoule
- (cloque, cloche – suivant le pays) : Un machin qui chauffe au pied puis qui pique, qu’on se dit que çà attendra bien la fin de l’étape. Mais, à ce moment-là, on se dit qu’on aurait mieux fait de s’arrêter et de s’en occuper tout de suite.
Pour le B.
Bonjour
- (bond’jou, ‘jour, salut, buon giorno, ciao, …) : On le dit au moins 20 fois par jour. On le reçoit au moins autant de fois. Rarement, il reste sans écho. Quelques fois, il donne naissance à un plus long échange.
Bonheur
- C’est un sentiment immense qui déborde du corps, du cœur, de l’âme en lien avec des choses que l’on vit. C’est, par exemple, l’arrivée au col du Grand-St-Bernard ; là où tout est grand et démesuré ; là où tout nous dépasse. Le moment où on est heureux d’être là, de l’avoir fait et où on est conscient de la chance qu’on a.
Beauté
- Il suffit de quelques exemples également (vous irez vérifier par vous-même si vous ne connaissez pas). Niverlée au-dessus des champs de blé en été ; les villages et églises à pans de bois de Outines, Lentilles et Bailly le Franc ; Fontelenay dans son écrin de verdure ; le centre de Besançon ; les gorges de la Loue ou de Covatannaz ; l’abbaye de Romainmôtier ; le reflet des montagnes dans le lac Léman ; les torrents de montagnes ; la vue plongeante sur le Val d’Aoste de l’Hospice du Grand-St-Bernard ; des dizaines de petites églises et chapelles ; les palais de Toscane ; les collines ocrées et… les mille petites choses que l’on oublie et qui nous ont charmées un instant au moins.
Boire
- Souci quotidien et recherche permanente. Merci à ces anonymes pourvoyeurs d’eau, à tous ces robinets de cimetières, à toutes ces fontaines des villages de montagnes. Merci aux italiens du nord qui ont créés dans beaucoup de villages un service de distribution d’eau naturelle ou gazeuse (case dell’acqua) à 0,05 € le litre.
Bottines
- Peut-être la meilleure ou la pire des choses. Parfois confort et protection pour les pieds. Mais aussi torture pour les panards parce que pas adaptées. Néanmoins, rassurantes dans les chemins caillouteux. De temps en temps inquiétude quand on doute qu’elles puissent tenir le coup.
Pour le C.
Chemin
- C’est le but : « on va le faire ». Mais, il représente aussi l’objet : « celui sur lequel on fait un pas après l’autre ». Il constitue également la mesure : « quel est sa longueur aujourd’hui ». Cependant, il est aussi le guide : « nous suivons son fléchage ».
Chanson
- Certaines observations, certains évènements le long de notre parcours ont été l’occasion de nous remémorer une chanson. Exemples : On rame pour avancer nous a fait chantonner « Rame » de Souchon, le village de Mamirolle que l’on a chanté sur l’air de « Mamy Blue » de Nicoletta, en route vers la ville de Santhià on se disait « Allez ! go ! on vers Santhià » sur la musique de « Santiago » de Hugues Aufray, une alouette dans les champs et nous venait la chansonnette « Alouette, gentille alouette », …
Chaleur
- Aussi un objet de contradiction. Même si celle du matin ne l’arrête pas, le pèlerin n’aime pas la pluie. Il préfère le temps sec. Mais temps sec rime parfois avec montée de la température. À peine 10 jours après notre départ, nous avons connu dès la Champagne une montée du thermomètre que nous craignions seulement rencontrer à partir du milieu de l’Italie. Alors il faut faire appel aux systèmes de protection : crème solaire, casquette, foulard, le côté ombré du chemin (quand il y en a), …
Pour le D.
Dénivelé
- Il est souvent une inquiétude pour le randonneur. Pour notre part, nous en avons connu de toutes sortes : des montants (positifs), des descendants (négatifs), des petits, des grands, des étapes sans (toutes plates), des très pentus. Eh bien finalement, nous préférons un peu de bosses que pas du tout. Mais l’horreur, ce sont les fortes descentes qui tuent les pieds.
Douleur : Nous n’avons pas une vision doloriste du chemin qui voudrait que le chemin fait du bien s’il fait mal ; nous pensons plutôt que le chemin, c'est bien, tant qu’on y trouve du plaisir ; mais cela ne veut pas dire qu’il ne fait pas mal parfois ; dès lors nous cherchons à en éliminer la source et retrouver un voyage confortable.
Durée : le principal défi dans notre périple est de tenir dans la durée (plus de 4 mois), de maintenir son intérêt, son enthousiasme ; il faut éviter le coup de blues et ne pas laisser le doute s’installer ; les premiers temps, c’est nouveau et on n'y est pas vraiment confronté ; mais plus le temps avance et plus le risque est là surtout si l’intérêt de la région traversée n’est pas au rendez-vous.
(suite de l’abécédaire du vécu du pèlerin dans un prochain article)
Pensée lue sur le mur des moines franciscains à Châtillon :
La route, comme la vie, n’est pas une compétition.
Ne te laisse jamais saisir par l’envie de faire trop : ton corps t’en demandera bientôt compte.
Regarder tout autour, observer, s’arrêter, goûter. C’est ça que la Route t'apprendra.